L'œuvre de Bougeard est ludique...

Par Anne Kerdraon, octobre 1991.

 

C'est en prêtant son corps au monde que le peintre change le monde en peinture.
Maurice Merleau Ponty

Crayons, crayons de couleur, feutres, encre, aquarelle et rehauts de gouache sur papier; 24 x 32 cm...

Matériaux de dessin et équipement du peintre de plein-air : surgit immédiatement l'image de Cézanne face à la Sainte-victoire.

Vent du large, pression atmosphérique plutôt haute, brise de mer : 

L'œuvre de Bougeard est ludique, véloce, vivace et labile : comme saisie au vif.

Les tracés, traits et lignes, touches et plages de couleur posent les mailles et les réseaux d'un espace et d'un champ parcouru ludiquement par le joueur de tennis ou le véliplanchiste qui mesure, éprouve, évalue constamment les points d'impact et les trajectoires nécessaires ou possibles.

Les traits du crayon, les touches du pinceau incisif ou moelleux restituent des rebonds et des trajets de l'œil de la main de la balle et du corps tout entier en saisie du monde. 
Ces déplacements figurent dans un coin de ses paysages et sont "reportés sur la carte du visible".

Car l'entrelacs des éléments formels mime cette réflexivité du visible - prélèvement de sites, approche du modèle, tradition de l'observation, natures vives - et du voyant qui, par une abstraction dynamique donne à voir des figures et des motifs : des mobiles.

L'évitement du bord - des bords - dans la composition inclut constamment les alignements, les repérages du cadre, des limites du champ (hors jeu "out", écueils ?) Fixation de règles du jeu du peintre, présence d'amers remarquables, les repères s'intègrent.

L'apparente spontanéité, cette fluidité de la facture picturale cependant témoigne d'un travail dans la durée d'une lente approche, d'un entraînement permanent, d'une reprise incessante. L'être aérien (sagittaire) paradoxalement laboure son espace. La légèreté n'est que pudeur et l'apparente distanciation masque aussi l'angoisse.